Vendredi 27 janvier 2023
collection «caprice de points»
Chers amis de la tapisserie,
J’ai attendu que l’hiver soit vraiment arrivé pour vous envoyer cette première lettre de l’année, que vous pourrez lire bien au chaud, accompagnée de mes vœux ! Et je remercie toutes celles qui nous ont envoyé les leurs, particulièrement précieux en ce moment.
Nous passons par une période de grands changements qui nous ont demandé beaucoup de réflexion et de travail. Comme vous le savez, nous avons choisi de n’avoir pas de système de commande en ligne, rien d’automatisé. Quand vous nous contactez, vous ne parlez pas à un ordinateur, et quand nous répondons à vos messages nous nous efforçons d’entrer en contact avec vous pour répondre à vos questions, surtout si vous nous donnez un numéro de téléphone (même si vous êtes une cliente de longue date). C’est peut-être une des raisons qui nous ont valu tant de clients et d’élèves fidèles.
J’aimerais donc profiter de ce nouveau départ pour vous raconter l’histoire d’une toute petite entreprise, seule de son espèce, et qui au cours de ses quarante-deux ans d’existence a sans cesse cherché à innover et à créer des liens.
Au commencement, donc, il y avait
Hervé Lelong, peintre cartonnier, désireux de collaborer plus étroitement avec les teinturiers et lissiers qui réalisaient les œuvres qu’il destinait à la tapisserie de lisse. Cela a entraîné de nombreux voyages vers Aubusson, ce qui nous a conduits à y ouvrir une galerie dans la Grand-Rue à côté de l’hôtel de ville.
Hervé Lelong a créé une collection d’œuvres originales (OAO = canevas peints en France à la main dans notre atelier à 6 exemplaires plus 2 EA) ainsi que de très nombreux modèles. À ces créations se sont ajoutées des copies et adaptations de modèles destinés à l’ameublement.
Pour cet usage en particulier il était important que les brodeuses sachent réaliser un travail irréprochable. Or, l’artiste était mécontent de découvrir que les œuvres qu’il créait pour la tapisserie à l’aiguille étaient mal interprétées par les clientes qui déformaient les modèles en travaillant au demi-point, sans cadre ni technique (c’est d’ailleurs la mauvaise qualité de ses œuvres brodées sur canevas qui avait incité Jean Lurçat à se tourner définitivement vers la tapisserie tissée).
Hervé Lelong m’a appris à peindre les canevas et enseigné les points Gobelin et de Hongrie. J’ai étudié de nombreux modèles anciens de tapisserie à l’aiguille, et mis au point une méthode d’enseignement inspirée des travaux traditionnels, puis entrepris de former des élèves qui souhaitaient elles aussi retrouver la beauté du travail de l’ancien temps.
C’est ainsi que j’ai commencé à donner des cours, à Chartres, à Issy-les-Moulineaux et un premier stage à Grenoble. Peu à peu s’est constitué un groupe de brodeuses qui n’avaient trouvé nulle part ailleurs la méthode rigoureuse qu’elles recherchaient. C’est ainsi qu’est née l’
École de la tapisserie au point en 1985.
Plus tard j’ai été invitée par la TNNA (The National Needlearts Association) à exposer et enseigner à Chicago. Puis, à l’invitation de brodeuses québécoises, j’ai pu à deux reprises présenter ma technique à Montréal et dans les Laurentides au Québec, pays qui m’est particulièrement cher.
En 1994, la restauration de l’ancien tapis de la cathédrale de Chartres s’étant avérée impossible, des fidèles ont suggéré que la meilleure solution serait d’en faire un autre. Hervé Lelong a alors conçu un ensemble de tapis destiné à entourer l’autel d’argent de Goudji à la croisée du transept. Cela a été une aventure
que je raconte ailleurs et qui a duré sept ans. Plus de trois cents personnes de France et de l’étranger ont répondu à notre appel. Il a fallu les sélectionner, les former à un point particulier, et les organiser pour qu’elles puissent venir à bout, dans le temps imparti, des
soixante-quinze mètres carrés des quatre tapis.
C’est ainsi que l’inauguration a pu avoir lieu, comme prévu, à la
Pentecôte 2000 pour le huitième centenaire de la reconstruction de la cathédrale.
Comment pourrions-nous fêter les vingt-cinq ans en 2025 ?
Il m’a alors semblé important de mettre par écrit l’essentiel de mon enseignement,
structuré en cours de difficulté croissante, en rassemblant dans un ouvrage unique ce qu’il faut savoir pour pratiquer avec plaisir la tapisserie au point. Confrontée aux difficiles tractations avec les éditeurs j’ai décidé de créer ma propre maison d’édition, et les Editions Point-Contrepoint ont vu le jour à Aubusson en 2002.
Le premier livre, désormais épuisé, est
La Tapisserie au point : un art, une technique (2002) écrit en collaboration avec Jean-Louis Taffarelli.
La même collaboration a produit
Il était une fois…les points droits (2006) bilingue français-anglais.
Puis, avec ma fille Lucie Lelong, deux carnets, les numéros 1
Les Cocktails de points ( 2011 ) et numéro 2
Les Points obliques (2015). Ces livres jalonnent des années de travail intensif, la mise au point d’un seul cours, conception, essais multiples et production demandant généralement au moins un an de travail. On y trouve une partie de mes créations.
Le site internet créé par Jean-Louis Taffarelli qui le met à jour en permanence, continue de se développer pour devenir le site de référence sur la tapisserie au point.
En 2003, à Aubusson, j’ai inauguré les «
évasions » en province, ce qui nous a permis, entre autres, de rencontrer des personnes qui ne pouvaient venir à Paris. Ces évasions associent l’apprentissage de la tapisserie à l’aiguille aux repas en commun et à la découverte de nos régions. Des élèves réunies par une commune passion sont également venues de pays proches ou lointains, Canada, Québec, Brésil, Maroc, Espagne, Etats-Unis, Japon, Italie, etc.
En 2011 j’ai eu le plaisir de travailler pour le metteur en scène Benoît Jacquot et de coacher les actrices Léa Seydoux et Diane Kruger pour le film Les Adieux à la Reine.
L’ouvrage qui apparaît dans le film fait partie de nos collections. Cette même année, je me suis installée à Nançay, en Sologne, à mi-chemin d’Aubusson et de Paris.
En 2020 il nous a enfin été possible de proposer deux modèles d’après des œuvres de Dom Robert, moine d’En-Calcat en Dordogne, l’un des plus grands créateurs de tapisseries du XXème siècle.
Nous étions partis sur les traces de
Dom Robert à l’abbaye Saint Benoît, dans cette région de la Montagne Noire dans le Tarn, où il a créé l’essentiel de son œuvre. Je voyais enfin la possibilité de réaliser un projet que j’avais depuis longtemps sans trop y croire : proposer à mes élèves des modèles de Dom Robert.
Des tapisseries
Juin et
L’Ecole buissonnière, seraient tirés les éléments d’une composition nouvelle. Ma fille Lucie, scénographe, en proposa plusieurs pour ce choix délicat. Elle a peint les premiers canevas pour que nous puissions présenter notre travail et faire les essais. Une fois le premier essai brodé nous avons constaté, en considérant les détails, que le format était un peu trop petit et que l’on ne pouvait broder correctement les cernes des sauges. Il a donc fallu refaire le même motif un peu agrandi. On pouvait dès lors préparer les pochoirs, qui sont faits à la main, en France, comme tout ce que nous vous proposons.
Il a fallu ensuite broder au format définitif les deux modèles actuellement disponibles en notant soigneusement les difficultés, le nombre d’aiguillées de chacune des dix-neuf couleurs, les modifications à apporter, confirmer enfin le format approprié et broder à nouveau en tenant compte de tout cela. Deux des couleurs ont dû être teintes spécialement pour s’approcher au plus près des tons des originaux. Enfin, les fonds étant chinés, sept essais ont encore été nécessaires pour trouver le juste mélange de deux couleurs.
Ceci met en évidence le travail considérable que me demande l’offre d’un nouveau modèle. Le premier confinement m’a bien aidée !
Depuis 2020, la pandémie nous a fait d’autant plus apprécier le calme de la forêt et découvrir qu’il était possible de travailler loin des villes. En 2021 Monique et moi avons donc décidé de fermer la boutique-école de Paris dont le bail se terminait, et que connaissaient bien les voyageuses des autobus 21 et 83 qui avaient l’obligeance de s’arrêter devant notre vitrine. Les activités sont maintenant recentrées dans l’Atelier-école de Nançay où nous recréons l’atmosphère chaleureuse que les élèves apprécient.
En 2023 la boutique d’Aubusson fermera également après avoir été gérée pendant trois ans par Marie-Valérie Chevalier-Ressot qui continue à donner des cours du cycle 1 à Gradignan près de Bordeaux. Mais nous ne quittons pas Aubusson et la Cité Internationale de la Tapisserie où j’ai eu la grande satisfaction, grâce au directeur de la Cité, Emmanuel Gérard, et à la conservatrice du musée, Alice Bernadac, de voir la tapisserie au point trouver sa place auprès de la grande tapisserie de lisse. Et une ou deux fois par an des évasions ont lieu dans l’enceinte de la Cité, où un « corner » nous a été attribué, les stagiaires ayant ainsi l’occasion de travailler au contact des ouvrages magnifiques qui y sont conservés - ou créés d’après les œuvres de Tolkien et Hayao Miyazaki notamment.
Monique Lethrosne, qui travaille avec moi depuis plus de vingt ans, partage désormais son temps entre télétravail et présence dans l’Atelier-école de Nançay où elle continue à assurer, entre autres activités, le contact téléphonique avec les clientes et élèves. C’est l’occasion pour moi de vous rappeler un point essentiel : quand vous prenez contact pour quelque raison que ce soit, indiquez toujours votre numéro de téléphone. Cette coopération est le seul moyen de vous donner satisfaction le plus rapidement possible.
Marie-Hélène Lechardeur, s’est formée à l’Ecole et donne les cours du cycle 1 à Buis sur Damville dans l’Eure, sous l’enseigne
Art et Laine.
Maintes autres péripéties ont bien sûr jalonné notre parcours, mais comme dit Kipling, «ceci est une autre histoire».
Après que vous aurez lu cette trop longue lettre, qui j’espère vous aura tout de même intéressées, je vous invite tout simplement à consulter les
infos pratiques et les
actualités régulièrement mises à jour...
Je lirai toujours avec intérêt les remarques, suggestions et critiques que vous voudrez bien m’adresser et je tâcherai d’en faire mon profit. J’aurai soixante-douze ans dans quinze jours et je ne pense pas à la retraite.
Dans le courant du mois de février le calendrier complété sera disponible, ainsi que les dates définitives des évasions à la Cité à Aubusson.
Encore une fois, Bonne Année !
Véronique de Luna
Pour tous renseignements, heures d’ouverture et prise de rendez-vous,
consultez les infos pratiques.
indiquez toujours votre numéro de téléphone. Il est indispensable
(même si vous êtes cliente de longue date).
Vous aiderez Monique et aurez bien plus vite une réponse à votre question.
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