le cerveau féminin
Quand j’étais à l’université Cornell j’avais l’habitude de m’asseoir à la cafétéria avec les étudiants pour déjeuner et tenter d’écouter les conversations pour voir si quelque chose d’intelligent s’y manifestait. Vous pouvez imaginer ma surprise quand je découvris quelque chose qui me parut extrêmement important.
J’écoutais une conversation entre deux filles dont l’une expliquait à l’autre : Si tu veux faire une ligne droite, tu vas d’un certain nombre vers la droite chaque fois que tu montes d’une rangée, c’est-à-dire que si tu fais un même nombre chaque fois que tu montes d’un rang tu fais une ligne droite. Un principe fondamental de géométrie analytique.
Elle continua : Suppose que tu aies une autre ligne qui arrive de l’autre côté et que tu veuilles calculer où elles vont se rencontrer. Suppose que sur une ligne tu fasses deux à droite pour chaque fois où tu montes d’un rang et sur l’autre ligne trois fois à droite pour chaque rang qu’elle monte, et elles démarrent éloignées de vingt pas, etc. J’étais époustouflé. Elle calculait l’emplacement de l’intersection ! Il s’avéra que l’une des filles expliquait à l’autre comment tricoter des chaussettes jacquard.
Et donc j’appris une leçon : le cerveau féminin peut comprendre la géométrie analytique. Les gens qui pendant des années ont affirmé ( en dépit de l’évidence du contraire ) que les hommes et les femmes sont égaux et capables de pensée rationnelle ont peut-être marqué un point. La seule difficulté reste sans doute que nous n’avons pas encore découvert comment communiquer avec le cerveau féminin.
Richard Feynman (prix Nobel de physique 1965).- The Pleasure of finding things out, p.175-176