la reproduction des tapisseries
La tapisserie, que sa fonction de décor libéra si longtemps de la vision «objective», et où la couleur fut aussi peu soumise à celle des objets que celle du vitrail, devient, délivrée de sa matière par la reproduction, une sorte d’art moderne... Nous sommes sensibles à son écriture plus apparente que celle des tableaux, aux volutes de l’Apocalypse d’Angers, au tuyauté xylographique des personnages du XVe siècle, à la Dame à la Licorne et à ses timides damasquinages. (Nous sommes rarement indifférents au refus de l’illusion.) Et les plus anciennes, par l’opposition de leurs rouges morts et de leurs bleus de nuit, par toute leur couleur irrationnelle et convaincante, rejoignent la grande psalmodie gothique. Bien que la tapisserie demeure mineure, elle entre anthologiquement au Musée imaginaire, où l’Apocalypse d’Angers figure entre les enluminures d’Irlande et les fresques de Saint-Savin.
André Malraux.- Les Voix du silence, p.34.